L'incarcération en dernier recours Il est vrai que La situation des prisons françaises est une honte pour notre République. Elle est une image humiliante de la «patrie des droits de l'homme». Elle doit nous scandaliser. Depuis des dizaines d'années, les observateurs de France et d'Europe alertent l'opinion publique, sans succès. Le dernier rapport Gil-Roblès mettait la France face à ses responsabilités. Les États généraux de la condition pénitentiaire étaient donc une nécessité démocratique.
1. L'incarcération doit être le dernier recours. Parce qu'elles sont surpeuplées et déshumanisées, les prisons sont aujourd'hui une école du crime. Toutes les alternatives à la prison doivent être développées, en particulier pour les plus jeunes et pour les petits délits: recours au contrôle judiciaire, mise en place systématique de travaux d'intérêt général et de mesures de réparation, internats pour les mineurs.
2. L'État de droit est la règle commune. La loi pénitentiaire devra garantir son respect en prison : confidentialité, sanctions disciplinaires décidées dans des conditions qui respectent le principe du procès équitable et soumises à un contrôle rapide du juge, rencontres régulières entre détenus et personnels pénitentiaires, droit de vote effectif. Comme le dit le rapport Canivet, «le détenu doit être, par principe, considéré comme un citoyen à part entière».
3. La privation de liberté doit donc être la seule sanction infligée aux détenus. Les droits fondamentaux doivent être garantis en prison:
- Droit à la dignité de la personne: dans des prisons peuplées en moyenne à 117%, et jusqu'à 150%, parler de dignité des détenus est une illusion. La règle doit être: une cellule, un détenu.
- Droit à la santé: en particulier par le traitement des troubles psychologiques et des conduites addictives dans des structures particulières. Par ailleurs, les personnes dont l'état de santé, physique et psychique, rend le maintien en détention indigne, doivent être libérées pour faire l'objet d'un placement au sein de structures d'accueil et de soins.
- Droit à la formation et à l'activité: toute personne privée de liberté doit exercer une activité, qu'il s'agisse de formation générale ou professionnelle, de travail au profit de l'établissement pénitentiaire ou à l'extérieur de l'établissement. C'est ce qui se passe en Allemagne, au Danemark, en Italie, ou en Espagne. Tout travail doit donner lieu à rémunération. Ce droit à l'activité doit être régi par les règles communes.
- Droit au respect de la vie familiale: généralisation des unités de vie familiale, qui permettent un retour progressif à la vie sociale et familiale, et qui jouent un rôle majeur dans la réinsertion du détenu; rapprochement du lieu de détention et du lieu de résidence de la famille.
4. La prison doit préparer la réinsertion du condamné à sa sortie de prison. C'est une de ses missions fondamentales, et elle doit l'organiser pendant la détention. Par le respect des droits fondamentaux du détenu, d'une part: former le détenu, lui donner une activité, favoriser le maintien des liens familiaux, sont autant de moyens de réinsertion et de lutte contre la récidive. Par l'aménagement des peines, d'autre part: toute peine devrait être exécutée en partie en milieu fermé, en partie en milieu ouvert. La libération conditionnelle doit être la règle, à condition que l'on renforce le rôle des travailleurs sociaux dans l'accompagnement socio-éducatif de la sortie de prison. Aujourd'hui, avec 5,8 % des condamnés, la France est le dernier pays, parmi les 45 membres du Conseil de l'Europe, pour le nombre de libertés conditionnelles accordées.
5. La loi doit instaurer un organe indépendant de contrôle des prisons et du respect des droits des détenus, auquel ces derniers puissent s'adresser, et qui ait un pouvoir effectif de contrôle permanent, de visite, d'évaluation, de recommandation, d'injonction, de publication des rapports. Par ailleurs, la nouvelle loi pénitentiaire devra être l'objet de l'évaluation annuelle du Parlement.
6. Cette réforme des prisons doit transformer profondément la condition des détenus autant que les conditions de travail des personnels de l'administration pénitentiaire. D'une part parce que la lutte contre la surpopulation, la volonté de préparer la réinsertion par la formation et le maintien des liens familiaux, la médiation des conflits par le droit et le placement des malades mentaux dans des structures de soins réduiront la tension et les violences dont sont victimes les surveillants. D'autre part, parce que, dans le cadre de cette réforme, le travail, difficile, accompli par les personnels de surveillance sera plus transparent, mieux connu et reconnu, et qu'ils se verront proposer, par la formation continue, des possibilités de diversifier leurs compétences et d'accéder à des postes et des carrières plus différenciées.
7. L'augmentation du budget de la justice et de l'administration pénitentiaire est une nécessité. Nous devons nous fixer l'objectif de le doubler en 10 ans.
Enfin, parce que l'état des prisons est un signe de l'état de notre société, les engagements pris pour réformer le système pénitentiaire doivent l'être de façon transpartisane, pour interpeller avec force l'opinion publique. C'est la démarche des États généraux, à laquelle je m'inscris sans réserve.
information prise sur le journal libération du 16 janvier 2007que pensez vous de ce texte ?
un tres bon livre a lire sur ce sujet qui m'est revenu à l'esprit ce soir .